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La gouvernance des entreprises familiales : un défi stratégique pour la transmission
10/06/2024 - 2 min de lecture
Rubrique : Transmission
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Conseil de famille, charte familiale… nombreux sont les outils pour stabiliser l’actionnariat des entreprises familiales. Le point avec Jean-François Desbuquois, avocat associé du cabinet FIDAL, directeur technique national du département Droit du patrimoine, Alain-François Chéneau, avocat associé du cabinet FIDAL, directeur technique national du département Droit des sociétés, et Tanneguy de Vautibault, ingénieur patrimonial au Crédit Agricole Anjou Maine.
Si les entreprises familiales jouent un rôle stratégique dans le tissu économique français, seules 14 à 20% d’entre elles sont transmises dans le cercle familial (1), contre 56% chez nos voisins d’outre-Rhin. C’est d’autant plus regrettable que la transmission sur plusieurs générations permet à une entreprise de se développer efficacement, et pour certaines de devenir une entreprise de taille intermédiaire.
Pour pérenniser une entreprise familiale sur le long terme, il est essentiel de réfléchir à sa gouvernance en amont des transmissions. « Le premier passage de témoin entre le fondateur et ses héritiers doit être l’occasion de mettre en place des règles de gouvernance et de réfléchir à des outils dédiés », explique Jean-François Desbuquois.
En effet, qu’il s’agisse des relations entre associés, de la liquidité et de la valorisation des titres, l’entreprise dont l’actionnariat est familial présente de nombreuses spécificités.
« Après plusieurs générations, une famille peut compter une centaine d’actionnaires », constate Alain-François Chéneau. Comment, dans ces conditions, maintenir une cohésion autour de l’entreprise ?
Les actionnaires familiaux n’ont pas nécessairement choisi d’investir dans un projet entrepreneurial. De trajectoires et de formations diverses, ils vivent parfois dans des univers éloignés de l’entreprise qui les rassemble. L’internationalisation grandissante des familles, leurs modifications au gré des recompositions des foyers sont également facteurs d’éloignement.
Seule une gouvernance bien menée permet de maintenir de l’affectio societatis entre tous ses membres. Rassemblés par un projet commun d’entreprise, les actionnaires peuvent alors décider ensemble et parler d’une seule voix. Pour Tanneguy de Vautibault, « une famille qui se met en ordre de marche et parle d’une seule voix rassure les dirigeants, les salariés, les banques et, le cas échéant, les autres actionnaires ». « C’est aussi la meilleure des parades contre une éventuelle OPA hostile », ajoute Alain-François Chéneau.
Plutôt que d’installer tous les membres de la famille au conseil de surveillance ou au directoire, mieux vaut créer des instances familiales dédiées : assemblée familiale et conseil de famille.
À la première, pourront participer la totalité des actionnaires familiaux, et les actionnaires en devenir. De formation plus restreinte, le conseil familial comprendra a minima un membre de chaque branche familiale.
Ces instances pourront préparer un plan de transmission de l’entreprise. Qui sera le successeur et pourquoi ? Comment sera-t-il préparé ? Quel rôle attribuer aux membres de la famille qui souhaitent s’impliquer ? Autant de questions à anticiper pour faciliter le passage de relais le moment venu.
S’y décidera aussi la stratégie à adopter pour l’entreprise. Qu’il s’agisse des réunions de travail avec les dirigeants opérationnels de l’entreprise ou de son assemblée générale annuelle, la famille pourra se contenter d’envoyer un représentant qui parlera en son nom.
Ces organes de décision vont en outre permettre à la famille de fixer un cadre à l’actionnariat familial et de le faire évoluer au gré des transformations de l’entreprise et de la structuration du groupe.
Répartition des dividendes, intégration des nouveaux membres (conjoints, enfants), formation des futurs actionnaires, dispositions à prendre en cas de crise… sont autant de règles qui permettent à chacun de clarifier son rôle d’actionnaire et de stabiliser la gouvernance de l’entreprise.
On pourra également y débattre de l’avenir du patrimoine familial au-delà de la simple détention des titres. « Dans certaines familles, il est fréquent qu’un projet sociétal vienne s’ajouter au projet d’entreprise. Cela permet aux actionnaires familiaux de donner un autre sens à leur patrimoine », explique Jean-François Desbuquois.
Les actionnaires familiaux qui n’ont pas de rôle au sein de l’entreprise peuvent s’y impliquer différemment. « Ces derniers peuvent également assumer la communication de la communauté des actionnaires familiaux en devenant les « ambassadeurs » de la famille », complète Alain-François Chéneau.
La rédaction d’une charte familiale sera l’occasion pour les actionnaires familiaux de poser sur le papier, à l’issue d’un travail collaboratif et dans des termes simples, le projet actionnarial de la famille. En préparant ce document, chacun fait individuellement le point sur ses attentes.
La charte familiale constitue un document non contraignant. « Ce gentleman agreement revêt une valeur plus morale que juridique. Mais pour la famille, il a une signification très forte. Il fixe ses règles de fonctionnement au regard du projet entrepreneurial », commente Tanneguy de Vautibault.
Bien entendu, cette charte peut être complétée par des pactes d’actionnaires et/ou des clauses d’inaliénabilité temporaires pour stabiliser la gouvernance. « Mais attention, l’insuffisance de liquidité des parts détenues par les actionnaires de l’entreprise familiale peut s’avérer contreproductive », souligne Tanneguy de Vautibault.
« Lorsque l’on n’a pas de rôle opérationnel dans l’entreprise, il peut s’avérer difficile de s’imaginer en seul passeur de patrimoine au profit des générations suivantes sans jamais avoir la possibilité d’utiliser la valeur des actions détenues pour réaliser un projet personnel », explique Jean-François Desbuquois.
Pour favoriser l’adhésion de tous, la charte familiale peut prévoir d’interroger, à intervalles réguliers, les actionnaires sur leur éventuel souhait de vendre tout ou partie de leurs titres.
En pratique, il pourra être mis en place une bourse familiale pour permettre à chacun d’obtenir des liquidités. En donnant de la sorte une sérénité aux actionnaires familiaux, ces derniers seront moins tentés d’écouter le chant des « raiders » et l’actionnariat familial n’en sera que plus stable.
Pour sécuriser le passage de relais entre les générations et mettre en place les outils dédiés, il est donc essentiel de se faire accompagner par ses différents conseils.
La fiscalité peut constituer un frein à la transmission de l’entreprise familiale. En effet, en l’absence de toute planification, la transmission d’une entreprise à ses héritiers est soumise aux droits de mutation à titre gratuit, pouvant atteindre 45% en ligne directe.
En anticipant cette transmission, il est possible de bénéficier d’avantages fiscaux spécifiques grâce au pacte Dutreil. Ce dispositif facilite la transmission de l’entreprise familiale à la génération suivante et permet d’assurer la stabilité de l’actionnariat et de sa direction.
En effet, si ses conditions d’application sont remplies, le pacte Dutreil permet de bénéficier d’un abattement de 75% de la valeur soumise aux droits de donation ou de succession des parts ou actions d’une société opérationnelle (2).
En outre, si la donation de l’entreprise est consentie en pleine propriété et que le donateur a moins de 70 ans, cette exonération partielle peut se cumuler avec une réduction de 50% des droits de donation. S'agissant des donations, celles-ci peuvent être réalisées en pleine propriété ou en démembrement de propriété.
Ce dispositif vise à favoriser la transmission de sociétés opérationnelles. Il s’applique donc aux seules entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Les sociétés patrimoniales ne sont pas éligibles. Les holdings animatrices effectives le sont en revanche.
Pour bénéficier de cet avantage fiscal, le donateur ou le défunt doit avoir pris un engagement unilatéral ou collectif (avec les autres associés) de conservation d’une durée minimale de 2 ans en cours au jour de la transmission. Cet engagement doit porter sur au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote des sociétés non cotées. Ces pourcentages doivent être respectés pendant toute la durée de l’engagement.
Sous certaines conditions cet engagement peut être pris à titre posthume. Le défunt doit détenir seul ou avec son conjoint, partenaire de PACS ou concubin le quota de titres exigé pendant au moins 2 ans avant son décès et il doit exercer une fonction de direction dans l’entreprise familiale.
Les bénéficiaires (donataires, légataires ou héritiers) doivent quant à eux s’engager à poursuivre cet engagement de conservation et s’engager individuellement à conserver les titres pendant 4 ans à compter de la fin de l’engagement pris par l’auteur de la transmission.
Pendant toute la durée de l’engagement collectif de conservation, un signataire de cet engagement doit exercer une fonction de direction ou son activité principale. Après la transmission de l’entreprise familiale, sa direction doit être assurée pendant une durée d’au moins 3 ans par un signataire de l’engagement collectif ou un donataire ou héritier.
(1) https://www.senat.fr/rap/r22-033/r22-0331.pdf
(2) Articles 787 B et 787 C du Code général des impôts. La société devant avoir une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Ces donations peuvent être réalisées en pleine propriété ou en démembrement de propriété.
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© Magazine Regards partagés Crédit Agricole Banque Privée - Edit 360 - Juin 2024
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Il est simple aujourd’hui de déléguer la gestion d’une partie de son épargne à des experts des marchés financiers via un mandat de gestion ou d’arbitrage. Des services en ligne et des applications sur tablettes et smartphones permettent de suivre les opérations et de s’informer sur les placements réalisés.
Pour Laurent Lafayne, conseiller privé au Credit Agricole Provence Côte d’Azur, la Société Civile Immobilière (SCI) facilite la détention d’un bien familial et sa transmission tant pour des raisons économiques que fiscales.
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