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En 2024, les prix poursuivront leur normalisation
08/02/2024 - 3 min de lecture
Rubrique : Tendances
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Après avoir dressé le bilan de 2023, Armelle Sarda, Responsable macroéconomie et économie bancaire à Crédit Agricole S.A., nous livre ses perspectives pour l’année en cours.
Armelle Sarda – La baisse du marché immobilier résidentiel observé en 2022 s’est poursuivie en 2023. Avec, comme facteur majeur de ce retournement, la remontée rapide des taux d’intérêt de marché enclenchée depuis début 2022. Le taux de l’OAT à 10 ans est passé de 0% en moyenne en 2021 à 3% en 2023. L’octroi de crédit immobilier s’en est très nettement ressenti puisqu’en 2023, la production annuelle de crédit à l’habitat aux particuliers devrait ressortir à environ 130 milliards d’euros contre 218 milliards d’euros en 2022, soit un recul de 40% (1). Quant à l’encours de crédit à l’habitat, à 1 292 milliards d’euros fin 2023, il n’a pas augmenté au second semestre et connaît en variation sur un an le taux le plus bas depuis 1996 (+0,9 %) (1).
À cette hausse des taux d’intérêt s’ajoute une inflation encore élevée en 2023 (4,9% en moyenne), pesant sur le pouvoir d’achat des ménages. Résultat : les ventes dans l’ancien ont enregistré une baisse historique de 22% par rapport à 2022 à environ 870 000 unités (2), soit un retour 7 ans en arrière.
Paradoxalement, cette chute brutale ne s’est pas accompagnée d’une baisse significative des prix, ce qui tend à bloquer le marché. Sur le plan national, les prix dans l’ancien ont reculé de plus de 2% sur les neuf premiers mois de l’année ; leur baisse devrait ainsi dépasser 3% sur 2023 (3). Avec des disparités selon les villes et régions : hors région parisienne, le recul des prix devrait être inférieur à 1% en France (3). Toutefois, en termes réels l’ajustement des prix est significative, puisque sur deux ans en cumulé l’inflation a été de 9,8% alors que les prix des logements anciens ont crû de moins de 1,5%.
A. S. - Tout à fait. Dans le neuf, un marché en crise depuis quelques années déjà, les ventes ont chuté de 40% sur un an au troisième trimestre 2023. Sur l’année, elles devraient être inférieures à 70 000 unités (filière promoteurs et maisons individuelles hors promoteurs), soit un plus bas depuis l’an 2000. Cet effondrement, qui a débuté plus tôt, fin 2019, s’explique au départ par un déficit d’offre caractérisé par la rareté et les prix élevés du foncier, le délai d’obtention et la baisse du nombre de permis de construire, la hausse des coûts des matériaux de construction et les contraintes liées à la nouvelle réglementation environnementale (RE2020). S’est ajouté, comme dans l’ancien, le repli de la demande en raison de la flambée des taux et d’une inflation élevée.
Côté investissement immobilier locatif, le Pinel prendra fin cette année, pouvant inciter quelques investisseurs à en profiter en 2024 malgré la réduction des avantages, mais aucune alternative n’est à ce jour proposée. Alors que le stock de logements à vendre représente aujourd’hui plus de deux ans de transactions – contre 10 mois en moyenne sur 2016-2021 – faute d’acheteurs, les prix ne corrigent pas. Ils sont tout juste stabilisés depuis fin 2022 et encore en très légère hausse en variation sur un an (0,3% au troisième trimestre 2023). Dans le neuf, la rencontre entre l’offre et la demande devient donc compliquée.
En matière de taux d’intérêt, la Banque centrale européenne (BCE) a maintenu ses taux directeurs inchangés depuis septembre dernier et ils ont a priori atteint un pic. La BCE devrait rester prudente et attendre quelques mois, le temps que l’absence de dérapage des salaires et le reflux de l’inflation soient confirmés, avant d’amorcer la baisse de ses taux d’intérêt.
Les taux de crédit immobilier devraient donc se stabiliser prochainement, voire commencer à baisser. Dans ce cas, l’un des leviers qui permettra au marché immobilier de repartir devrait être une baisse des prix plus significative que celle enregistrée en 2023. Les vendeurs vont devoir s’adapter s’ils souhaitent écouler les stocks et séduire de nouveau les acheteurs. Ces derniers, dont le pouvoir d’achat devrait s’améliorer grâce au ralentissement de l’inflation et au rattrapage des salaires, devraient ainsi voir leur capacité d’achat immobilier cesser de se dégrader, voire progressivement s’améliorer. De plus, les contraintes énergétiques en termes de DPE imposées aux propriétaires-bailleurs devraient conduire certains d’entre eux à mettre sur le marché un surcroît de biens de faible performance énergétique. Des biens dont ils ne veulent pas assurer la rénovation et l’audit énergétique, incluant une évaluation des travaux d’amélioration imposée lors de la vente de ces biens, accroissant le pouvoir de négociation des acquéreurs. Cela entraînera une baisse plus marquée du prix de ces biens.
En 2024, la baisse des prix dans l’ancien devrait se poursuivre, de l’ordre de 5% à 6% dans l’ensemble, pour corriger les excès. Dans le neuf, la lutte contre l'artificialisation des sols, les contraintes liées aux normes environnementales et le peu d’incitations fiscales ne militent pas en faveur d’une hausse significative de l’offre. Mais le faible niveau de la demande actuelle devrait tirer les prix vers le bas. Dans le neuf, la crise est profonde, vendeurs comme acheteurs doivent s’adapter à la nouvelle donne, en particulier aux contraintes liées aux risques climatiques. L’ajustement du marché et la sortie de crise devraient prendre du temps.
D’une manière générale, les prix vont poursuivre leur normalisation mais pas s’effondrer, car nous ne sommes pas dans un contexte de bulle immobilière et la dégradation de l’environnement macroéconomique est limitée. Surtout, les fondamentaux du marché immobilier sont toujours présents : désir d’être propriétaire, recherche d’un habitat plus vert et plus confortable, décohabitation, effet valeur refuge, préparation à la retraite… Et le modèle français du crédit à l’habitat, certes prudent, est sain et solide, avec des conditions d’octroi strictes fondées sur la solvabilité de l’emprunteur et non la valeur du bien, et des crédits quasi exclusivement à taux fixe.
A. S. - Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a annoncé de nouvelles mesures techniques pour desserrer l’étau du crédit. Afin de favoriser les travaux de rénovation énergétique, le seuil de travaux permettant de bénéficier d’un allongement de la durée maximale du prêt à 27 ans est désormais abaissé à 10% du coût total de l’opération (contre 25% précédemment).
Par ailleurs, le HCSF autorise les établissements de crédit à exclure la charge associée aux prêts relais lorsqu’il s’agit d’apprécier le taux d’effort de l’emprunteur, sous réserve que la quotité de financement est suffisamment prudente, c’est-à-dire inférieure ou égale à 80% de la valeur du bien mis en vente.
Enfin, la marge de flexibilité de 20% de dossiers excédant le seuil des 35% d’endettement pourra être ponctuellement dépassée durant un trimestre si celle-ci est globalement compensée au cours des 2 trimestres suivants. Une dérogation soumise à conditions : 70% de cette flexibilité doivent être alloués aux ménages achetant leur résidence principale, dont 30% sont réservés aux primo-accédants. Des mesures qui, si elles restent prudentes, peuvent contribuer à dégripper le marché.
(1) Hors renégociations, source : Banque de France, estimations Crédit agricole SA
(2) Source : IGEDD, estimations Crédit agricole SA
(3) Source : Insee, estimations Crédit agricole SA
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© Magazine Regards partagés Crédit Agricole Banque Privée - Edit 360 - Février 2024
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